Le forteresse d’Amboise, située sur un promontoire dominant la Loire et un de ses affluents, fut longtemps une des places les plus protégées de la Région et la propriété des seigneurs d’Amboise, avant d’être confisquée par le roi en 1434, suite à l’échec d’un complot visant un des favoris du monarque. Les grands travaux pour en faire une résidence royale commencèrent sous Charles VIII (fin XVème), puis continuèrent sous Louis XII puis François Ier, bien que ce dernier lui préférât d’autres demeures et avant que la cour ne s’installe définitivement à Paris et Fontainebleau. De par son site, le château sera transformé en prison de luxe pour les grands personnages de l’état, puis plusieurs fois revendu avant d’être abandonné au cours du XVIIIème siècle. Il est offert par Napoléon à l’ex-consul Roger Ducos, qui n’ayant pas les moyens de le restaurer, décida de démolir les deux-tiers du bâti en 1807. Le futur roi Louis-Philippe en hérite en 1821, fait restaurer les vestiges restants et décorer le logis du Roi au goût de l’époque. Le site est ensuite confisqué lors de la révolution de 1848 et c’est dans ce contexte qu’il retrouvera son ancienne fonction de prison de luxe, en accueillant l’émir Abd el-Kader et sa suite d’une centaine de personnes.
Le logis du château (où logeait Abd el-Kader)
En 1832, Abd el-Kader, grâce à son talent d’orateur, est élu « émir » (équivalent d’un chef des armées, politique et religieux) des forces musulmanes qui se sont soulevées contre les français. Ceux-ci ont débarqué deux ans plus tôt en Algérie et chassé les Turcs d’Alger. Abd el-Kader soumet très vite une grande partie de l’ouest algérien, puis signe un traité avec les français qui reconnaissent l’autorité de l’émir sur la région d’Oran et l’aide à constituer son armée afin qu’il puisse pacifier l’arrière pays algérien. La situation change en 1835 avec le remplacement du général à la tête des troupes en Algérie et l’extermination d’une troupe française par l’émir. S’en suivront plusieurs batailles, guérillas, traités et massacres des deux côtés avant qu’en mai 1843, le duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, ne capture la smala d’Abd el-Kader. Ce terme désignait le camp de toile où habitait l’émir, ses soldats, collaborateurs, artisans, serviteurs et la famille de chacun, sorte de grande ville itinérante nécessaire à l’exercice de l’autorité et qui permettait à Abd el-Kader d’être mobile et d’échapper ainsi à l’armée française.
Suite à cette prise et à la perte de tous ses soutiens, l’émir se rendra en décembre 1847 contre la promesse du gouvernement français de l’exiler en terre arabe. Cette parole se perdra dans les troubles de la révolution de 1848 et il est finalement interné au château d’Amboise avec 88 personnes (de sa famille, des khalifes et des domestiques), après avoir été emprisonné à Toulon et Pau. Il occupait les appartements du logis du roi où un masjid (oratoire) avait été installé et y restera jusqu’au coup d’état qui porte Louis Napoléon Bonaparte au pouvoir et la visite de celui-ci en octobre 1852 pour lui annoncer son départ pour la Turquie. Le séjour à Amboise a permis à Abd el-Kader de fréquenter des personnes d’une autre culture et d’une autre religion et a provoqué un changement dans son idéologie. Après celui-ci, il se consacrera à l’étude, à l’enseignement et prônera plus de tolérance et de fraternité entre les chrétiens et les musulmans.
La borne construite en 1853 en l’honneur des compagnons d’Abd El-Kader morts à Amboise
Un an après son départ, une borne surmontée d’un croissant est élevée dans le parc du château en guise de cénotaphe pour les 25 membres de la suite de l’émir morts à Amboise. C’est à cet endroit qu’est crée le jardin d’Orient en 2005, un aménagement paysager imaginé par Rachid Koraïchi à la mémoire de ces personnes mortes en exil. Conçu à l’endroit des sépultures musulmanes, il est composé de 25 stèles, taillées dans des pierres extraites près d’Alep (Syrie), et gravées d’hymnes à la paix et à la tolérance extraits du Coran. Les végétaux complétant ce lieu de méditation ont été choisis pour faire référence aux influences culturelles méditerranéennes et souligner la constance des valeurs universelles de tolérance prônées par Abd el-Kader. Ce lieu n’est donc pas seulement un cimetière mais aussi un monument en l’honneur de l’émir, qui n’est pas seulement le symbole de la résistance algérienne contre l’occupation française mais également celui de la tolérance religieuse dans le Monde.
Stèles en pierre d’Alep
L’ensemble du site de mémoire
A voir également à Amboise:
Une fontaine surréaliste
Une pagode chinoise
La tombe de Léonard de Vinci
Quand à ceux qui connaissent déjà bien Amboise mais veulent rester dans la région, je vous conseille d’aller à Cheverny où le château vous rappellera celui de Moulinsart.
4 Comments
Bonjour. J'ai fait une photo récente qui ressemble à la première : Stèle en pierre d'Alep ( ici : http://storage.canalblog.com/37/24/1015791/87439900_o.jpg?77900). Vous pouvez la prendre pour remplacer la votre si vous le souhaiter 🙂
Bonjour,
je vous remercie pour votre proposition mais je préfère n'utiliser que mes photos personnelles dans mon blog (dans la mesure du possible), que je réduis (leur but étant d'illustrer le texte).
Je tiens tout de même à vous féliciter pour cette très belle photo. Je trouve que la position du pinson rentre parfaitement dans l'équilibre de la photo.
Eh bah merci beaucoup tout de même 🙂
Vos photos sont très jolies également et j'ai pu apprendre grâce au site la signification de ce cimetière 😀
Je suis heureuse que ce lieu magnique et musulman soit un symbole de paix..Depuis, Alep et la Syrie ont été détruites en partie par la guerre et l’islam politique à bafoué les grands principes écrits dans le Coran : la paix…Salam