Ancienne Cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Maguelone
34750 Villeneuve-lès-Maguelone
Sur une île volcanique au centre d’une série d’étang le long de la côte languedocienne et à deux pas de la plage, une masse de pierre, que les non connaisseurs auront du mal à identifier, se dresse au dessus des arbres. En effet, aucune tour ou symboles religieux ne permet de reconnaitre l’ancienne cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul, chef d’œuvre de l’art roman et siège d’un évêché jusqu’à son transfert à Montpellier en 1536. L’ile de Maguelone a été habitée dès l’antiquité et n’était à l’origine accessible seulement par voie maritime (par barque à travers l’étang et par bateau depuis la mer) jusqu’à la construction d’un pont en pierre au XIème siècle, qui la reliait à la terre ferme jusqu’en 1708.
La première mention d’un évêque de Maguelone est faite à la fin du VIème siècle. Cette apparition tardive pourrait correspondre à période de réorganisation de l’ancienne province de la Narbonnaise, avec la création d’un nouveau centre religieux entre les cités d’Agde et de Nîmes. Cette position éloignée de tout centre urbain est assez énigmatique, si le choix défensif est fort probable dans cette période trouble, il semblerait également qu’un port antique existait à cet endroit. Le site a ensuite connu une période d’abandon de trois siècles suite à sa destruction par Charles Martel peu de temps après que des musulmans d’Espagne l’aient occupé au début du VIIIème siècle. Le retour de l’évêque et des chanoines sur l’ile se fit sous l’épiscopat d’Arnaud (1030-1060), avec la reconstruction de la cathédrale et des bâtiments du chapitre. L’apogée du site a commencé à la fin de ce siècle lorsque celui-ci est devenu un fief pontifical après que le comte de Melgueil en ait fait don à la papauté. Suite à une visite, le pape Urbain II a même proclamé son église la seconde après celle de Rome et lui accorda le port des armes pontificales.
Tout au long du XIIème siècle, Maguelone servira de refuge aux papes fuyant les troubles de Rome et de nombreux travaux suivirent dont la construction d’une cathédrale plus grande, d’un cloitre à deux étages et d’un logis pour l’évêque. Au début du XIIIème siècle, le système de défense fut perfectionné et deux tours construites de part et d’autre du portail de la façade occidentale pour en assurer la défense. Le déclin de Maguelone commença au XIVème siècle, avec l’affirmation des rois de France dans la région, qui isoleront petit à petit l’évêché en réduisant ses privilèges et son indépendance, puis l’attractivité et le développement de la ville proche de Montpellier où l’évêque ira d’ailleurs s’installer dès le siècle suivant, déléguant ainsi l’administration du siège de l’évêché aux chanoines.
Cette situation dura jusqu’à en 1536, quand le pape autorisa le transfert du siège épiscopal à Montpellier. Le site fut ensuite abandonné; devenu une place forte protestante, tout le système de fortifications fut démantelé sur ordre de Richelieu au XVIIème siècle avant que les derniers vestiges ne disparaissent totalement dans la construction du canal proche reliant le Rhône à Sète en 1708. Lors de son classement au titre de Monument historique en 1840, il ne restait du complexe épiscopal plus que la cathédrale et la tour de l’évêque (qui servait également de logis à celui-ci). Ceux-ci étaient pratiquement à l’état de ruine lorsque que Frédéric Fabrègue acheta le site douze années plus tard pour le restaurer et faire des fouilles afin de comprendre son passé (Des épitaphes et des bas-reliefs antiques retrouvés à cette époque ont d’ailleurs été scellés dans le mur sud de la nef). On lui doit également la construction des bâtiments que l’on peut observer aujourd’hui à proximité.
La cathédrale reste tout de même impressionnante: Si sa façade occidentale n’est aujourd’hui bordée que par une seule tour (celle de l’évêque), elle a conservée son portail roman. Ce dernier est un assemblage d’éléments sculptés à des périodes différentes: Les deux piédroits, représentant saint-Paul (avec l’épée) et saint-Pierre (avec les clés), piliers de l’église romaine et saints patrons de Maguelone, datent du début du XIIème siècle. Le linteau, décoré d’un rinceau d’acanthe et d’une inscription, est daté de 1178 par son auteur Bernard de Tréviers. Quand au tympan, datant du début du XIIIème siècle et en marbre blanc, il représente le Christ en majesté entouré du Tétramorphe (l’ange pour Matthieu, l’aigle pour Jean, le lion ailé pour Marc et le taureau ailé pour Luc). Le portail ouvre directement sur une nef unique couverte par une voute en berceau légèrement brisée à environ 20 mètres de hauteur, soutenue par des murs de plus de deux mètres d’épaisseur et ayant pour seule décoration une corniche classique et des demi-colonnes avec des chapiteaux à feuilles d’acanthes.
Deux des trois travées de la nef sont couvertes par une tribune, qui permettait aux chanoines de s’isoler pour prier (les trous de scellement des stalles sont parfaitement visibles). Elle est accessible par un escalier pris dans l’épaisseur du mur Nord. Un grand arc en plein cintre perce le mur opposé et permet d’accéder à la chapelle Saint-Augustin, seul vestige de la première cathédrale, bâtie au XIème siècle suite à la première période d’abandon du site. Construit avant la nef, le transept est occupé par plusieurs tombes et gisants d’évêques datant du XVème et XVIème siècle. L’accès au cimetière par l’église se faisait par la porte des Morts dans l’angle Sud-Ouest de son croisillon Sud. L’abside, très sobre, n’a que pour seule décoration ses trois ouvertures décorées de colonnettes engagées, une corniche et son banc presbytéral (le synthronon), vestige de la tradition paléochrétienne, collé à l’abside et encadrant le trône épiscopal dont on distingue les traces sur le mur.
Aujourd’hui, la fondation de cette ancienne cité épiscopale fortifiée, isolée de son diocèse et loin de tout centre urbain reste encore énigmatique mais est un témoin essentiel de ces bases fortifiées qui protégeaient le littoral languedocien au Moyen-Age. A proximité des plages, le végétation de l’ile et l’épaisseur des murs de la cathédrale offrent un bon moyen de se rafraichir tout en appréciant un patrimoine fort en histoire.
A deux pas de Maguelone, voir l’article sur les travaux de cathédrale de Montpellier interrompus au XVIIe siècle, et dont seul le soubassement est visible.
2 Comments
Très bien documenté.on aurait pu évoquer la légende de pierre et Maguelonne.Merci.
Je ne connaissais la légende de Belle Maguelone et de la naissance de cette cathédrale.
Je vous remercie.