L’arc de Constantin est situé sur l’ancienne voie parcourue lors des triomphes, entre la Colisée et le Circus Maximus (restauré entièrement par l’empereur cité et qui pouvait recevoir à l’époque jusqu’à 250 000 spectateurs). Cet arc a été offert par le Sénat romain à l’empereur Constantin en mémoire à sa victoire contre Maxence lors de la bataille du pont Milvius, le 28 octobre 312, où le vaincu trouva la mort. Ce conflit est le résultat du refus de certaines régles de la Tétrarchie, mise en place par Dioclétien à la fin du IIIème siècle, afin de mieux pouvoir défendre les frontières de l’empire. Ce système divisait le pouvoir entre deux « Augustes » (titre de l’empereur), secondés par deux « Césars » devant ensuite leur succéder, et interdisait aux premiers de choisir leur fils comme successeur. Constantin et Maxence, tous deux fils d’un « Auguste », revendiquèrent le pouvoir et éliminèrent leurs concurrents (ils furent jusqu’à sept à revendiquer le titre d’Auguste) avant de s’affronter au pont Milvius, situé sur le Tibre à quelque kilomètres au nord-est de Rome (Ce pont, reconstruit depuis, est aujourd’hui surtout connu des couples qui y accrochent un cadenas d’amour depuis 2006, tradition popularisée par l’écrivain Federico Moccia et que l’on retrouve à Paris, alourdissant le pont des Arts). Le conflit ne prit fin qu’avec la soumission de Licinius en 324 et le retour à un empereur unique.
Façade Sud
Cet édifice est le dernier grand arc monumental honorifique construit à Rome et également le plus grand. Haut de 25m, il a trois arcades dont celle du centre plus haute, fait 11,45m de hauteur sur 6,50m de large. Son aspect est similaire aux arcs construit au IIème siècle dont fait parti celui de Septime Sévère sur le forum romain voisin. A partir de la déduction que la construction de la structure de l’arc soit antérieure à la décoration (faite en partie avec des éléments de réemploi que l’on développera plus loin), une hypothèse propose la réutilisation d’un arc existant plus antique (datant probablement du règne d’Hadrien). Une seconde supposition se basant sur les éléments décoratifs, propose qu’un pré-arc aurait été construit en attente d’un vainqueur dans le conflit et du nouveau patron de Rome.
Le côté Ouest de l’intérieur de l’arcade centrale avec l’inscription « LIBERATORI · VRBIS » (libérateur de la cité) au dessus d’un fragment de frise représentant la conquête d’un village dace par la cavalerie et l’infanterie romaine qui poussent les prisonniers.
L’arc, commémorant la victoire du pont Milvus, est dédicacé en 315, lors de la dixième année du règne de Constantin et donc sûrement inauguré la même année. Cet anniversaire, appelé « decennalia » et célébré depuis le règne d’Auguste, est attesté par les inscriptions « VOTIS · X » et « SIC · X », au dessus de la petite arcade de droite, tandis que l’arcade opposée est surmontée par « VOTIS · XX » et « SIC · XX » qui célèbrent la « vicennalia » ou la vingtième année de règne. On retrouve également deux autres inscriptions sur les parois internes de l’arcade centrale: « LIBERATORI · VRBIS » (libérateur de la cité) et « FVNDATORI · QVIETIS » (fondateur de la paix), et la dédicace au dessus de l’arcade centrale, se répétant sur les deux façades:
« IMP(eratori) · CAES(ari) · FL(avio) · CONSTANTINO · MAXIMO
P(io) · F(elici) · AVGUSTO · S(enatus) · P(opulus) · Q(ue) · R(omanus)
QVOD · INSTINCTV · DIVINITATIS · MENTIS
MAGNITVDINE · CVM · EXERCITV · SVO
TAM · DE · TYRANNO · QVAM · DE · OMNI · EIVS
FACTIONE · VNO · TEMPORE · IVSTIS
REM-PUBLICAM · VLTVS · EST · ARMIS
ARCVM · TRIVMPHIS · INSIGNEM · DICAVIT »
Qui peut se traduire par:
« Au pieux et heureux empereur César Flavius Constantin le Grand, Auguste, le Sénat et le peuple romain, puisque sous l’inspiration de la divinité et par la grandeur de son esprit, avec son armée, il a vengé l’État sur le tyran et toute sa faction avec de justes armes, (SPQR) dédient cet arc en signe de son triomphe. »
La partie « Quod instinctu divinitatis » (sous l’inspiration de la divinité), a une importance historique pour les chrétiens, qui y voient le symbole de la chrétienté et la confirmation du rêve de Constantin avant la bataille du Pont Milvius. En effet, avant celle-ci, ce dernier aurait eu un songe où on lui demanda de peindre le chrisme (symbole chrétien formé des deux lettres grecques « X » (chi) et « P » (rhô)) sur son labarum (étendard) en avant de son armée, suivit de la phrase « Sous ce signe tu vaincras ». Constantin est le premier empereur romain a autorisé la religion chrétienne et ainsi permettre son installation définitive dans l’empire. Il faut noter qu’à une époque où la ville de Rome était encore en majorité païenne, L’inscription pouvait également être comprise comme faisant référence à une divinité païenne.
Façade Nord
Passons maintenant aux éléments architecturaux ornant l’arc:
Les deux façades principales de l’édifice sont décorées par des colonnes corinthiennes devant des pilastres et sur des piédestaux, de part et d’autre de chaque arcades. Les piédestaux sont décorés de victoires avec des trophées, de prisonniers barbares et de divinités fluviales datant du début du IVème siècle. Tandis que les espaces bordant la partie supérieure de l’arcade centrale sont ornés de victoires ailées avec des trophées et de personnifications des saisons. On retrouve ensuite la même organisation des éléments décoratifs sur les quatre côtés de l’arc.
D’abord, au dessus des petites arcades et à la même hauteur sur les petites côtés, six reliefs, datant du règne de Constantin et racontant l’histoire de la campagne contre Maxence. La narration commence depuis la
façade Ouest (petit côté donnant sur le Palatin) avec une représentation du départ de l’armée de Constantin de Milan, puis sur la
façade Sud avec le siège de Vérone (à gauche) et la bataille du Pont Milvius où l’on voit les soldats de Maxence se noyant dans le Tibre (à droite), sur la
façade Est avec l’entrée triomphale de Constantin dans Rome, et enfin sur la
façade Nord (donnant sur le Colisée) avec le discours de Constantin depuis les Rostres sur le forum romain (à gauche) et le « congiarium », distribution de deniers au peuple sur le forum de César le 1er janvier 313.
Le relief à gauche de la façade Nord représentant le discours de Constantin depuis les Rostres. On y voit distinctement plusieurs constructions du forum romain: Derrière les Rostres, Les cinq colonnes honorifiques de Dioclétien (élevées en 303 pour ses « vicennalia »), à gauche la basilique Julia et l’arc de Tibère; à droite l’arc de Septime Sévère.
Des médaillons d’un diamètre supérieur à deux mètres ont été placés au dessus des reliefs: deux datant du règne d’Hadrien (117-138) sur les grands côtés et un de l’époque de Constantin sur les petits côtés). Ceux sur les petits côtés, représentent sur une façade le soleil (côté Palatin) et sur l’autre la lune. Bien que datant de l’époque de Constantin, ils imitent le style des médaillons datant du règne d’Hadrien. Les huit autres, sur les grand côtés, représentent des scènes de chasse avec:
– sur la façade Sud et de gauche à droite: Le départ à la chasse, une scène de sacrifice à Sylvanus (« genius loci » tutélaire des forêts), une chasse à l’ours et une scène de sacrifice à Diane.
– sur la façade Nord (côté Colisée) et de gauche à droite: une chasse au sanglier, une scène de sacrifice à Apollon, une chasse au lion et une scène de sacrifice à Hercule.
Façade Sud avec les médaillons de l’époque d’Hadrien (Chasse à l’ours et scène de sacrifice à Diane) au dessus du relief représentant la bataille du Pont Milvius. On y voit à gauche le pont avec une personnification du Tibre, au centre la cavalerie de Constantin battant les cataphractaires de Maxence qui se noient et à droite les trompettes appelant les troupes victorieuses.
L’attique des grands côtés est ornée de quatre panneaux hauts de plus de trois mètres et disposés de chaque côté de la dédicace. Ils proviennent d’un arc érigé par Commode en l’honneur de son père Marc Aurèle et racontant les opérations militaires de l’empereur pendant les guerres marcomanes (voir l’article sur
l’inscription laissée par un légat de légion à cette époque).
– sur la façade Sud et de gauche à droite: La présentation d’un chef barbare à Marc-Aurèle, des prisonniers conduits à l’empereur, une scène « d’adlocutio » (discours aux soldats) et une scène de sacrifice dans le camp.
– sur la façade Nord (côté Colisée) et de gauche à droite: « L’adventus » (l’arrivée de l’empereur à Rome après son succès militaire), Le « profectio » (Le départ de l’empereur de Rome), le « congiarium » (Distribution de deniers au peuple), et la capitulation d’un chef barbare.
Façade Est
Façade Ouest
L’attique des petits côtés est ornée d’une partie d’un bas-relief provenant d’une frise du forum de Trajan (98-117) et racontant les guerres daciques. Les deux fragments ornant l’intérieur de l’arcade centrale proviennent de la même frise.
– Sur la façade Ouest (côté Palatin): Les soldats montrant les têtes coupées des barbares
– Sur le côté Ouest à l’intérieur de l’arcade: La conquête d’un village dace par la cavalerie et l’infanterie romaine qui poussent les prisonniers.
– Sur le côté Est à l’intérieur de l’arcade: Trajan entrant à Rome
– Sur la façade Est: Les prisonniers menacés par une charge de la cavalerie menée par l’empereur et suivie par des « signifer » (sous-officier portant les enseignes) et des « cornicines » (joueur de cor, transmettant les ordres).
Enfin, une statue représentant des daces (peuple habitant l’actuelle Roumanie) et provenant du forum de Trajan est placée au dessus de l’entablement de chaque colonne.
L’arc de Constantin a été décoré de sculptures et de parties architecturales provenant d’édifices des siècles précédents, probablement pour l’économie de la construction à l’époque où Rome avait perdu son rôle de capitale. Les éléments de décor datant du règne de Constantin étaient disposés dans la partie basse de la construction afin que les romains puissent les voir. Ce mixte architectural permet de confronter la différence de facture entre les sculptures du IVème siècle et celles datant des règnes précédents, qui peut faire penser à un déclin de l’art sculptural alors qu’il traduit un changement de représentation. Passé la trentaine, Constantin change en effet sa propre image, probablement pour faire oublier sa prise de pouvoir ponctuée de plusieurs meurtres et crée une icône qui n’est plus réaliste (son image ne représentant plus un homme mais l’empire). Le réalisme hellénistique est ainsi abandonné, l’art devient plus abstrait et s’oriente vers le symbolisme (préfigurant l’art médiéval).
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[…] Milvius qui voit la victoire de Constantin et qui est d’ailleurs commémorée par un arc de triomphe tout proche. Le bâtiment, dont il ne reste aujourd’hui que la nef latérale Nord à cause […]