Depuis l’Antiquité, les œuvres littéraires ont été une source d’inspiration pour la décoration de nombreux intérieurs. Si les peintures murales ornant les domus antiques, ou les fresques décorant les palais de la Renaissance viennent tout de suite à l’esprit, plus récemment, la littérature a également inspiré les concepteurs de papiers peints. Un des plus bels exemples se trouvent dans l’hôtel de Cordon à Chambéry, qui en présente un dont le décor illustre l’histoire de Psyché. Datant du début du XXe siècle, il s’inspire d’une œuvre de Jean de la Fontaine.
Psyché au bain
Le roman de Jean de la Fontaine « Les Amours de Psyché et de Cupidon » a été publié en 1669, et reprend une partie de « L’Âne d’or » (Asinus aureus), écrit par Apulée au IIe siècle. Il raconte l’histoire de la plus belles des trois filles d’un roi, Psyché, dont la beauté était si rare, que les hommes lui vouaient un culte après l’avoir vu, oubliant leur dévotion à Vénus. Cette dernière, offensée par ce sacrilège et jalouse de cette rivale, demanda à Cupidon de l’unir à un monstre. Mais le dieu tomba lui-même amoureux de la mortelle, et ne put exhausser le désir de Vénus.
Cependant, malgré sa beauté, Psyché ne trouvait pas d’époux car les hommes se contentaient de la vénérer. Ainsi, son père supplia Apollon de lui permettre de se marier, ce qu’il fit mais à la condition qu’elle soit abandonnée sur un rocher, où son futur époux viendrait la chercher. Elle fut ensuite déposée par les Zéphyr (personnifications du vent de l’Ouest) dans une vallée proche d’un splendide palais, dans lequel la belle finit par s’endormir. Son époux inconnu la rejoignit dans la nuit, caché par l’obscurité, et lui demanda de ne jamais chercher à connaître son identité. Malgré les départs de son mari à chaque levée du jour, Psyché appréciait son bonheur mais provoqua la jalousie de ses deux sœurs.
Psyché montrant ses bijoux à ses sœurs
Ses sœurs réussirent à convaincre Psyché que son mystérieux époux n’était autre qu’un monstre qui finirait par la dévorer. Terrifiée par cette idée, elle décida d’allumer une lampe à huile pendant le sommeil de son mari, pour découvrir un bel homme: Cupidon. Malheureusement une goutte d’huile brûla le dieu, qui s’enfuit furieux que Psyché n’ait pas tenu sa promesse.
Cette dernière se jeta de désespoir dans une rivière, qui la déposa par compassion devant le dieu Pan. Celui-ci lui conseilla de tout faire pour reconquérir l’amour de Cupidon. Ce qu’elle fit en réalisant les épreuves données par Vénus, qui en profita pour se venger. Dans cette quête, Psyché finit par tomber dans un sommeil profond, pour être finalement réveillée… Par Cupidon, qui l’emmena avec lui annoncer leur union aux dieux de l’Olympe, qui lui offriront l’immortalité. Preuve que les fins heureuses ne concluent pas que les œuvres de Walt Disney.
Psyché enlevée par les zéphyrs / Réconciliation de Vénus et Psyché / Psyché revenant des Enfers
Hymne de Psyché et d’Amour / Psyché rapportant à Vénus un vase d’eau de la Fontaine de jouvence / Psyché voulant poignarder l’Amour endormi
Psyché recueillie par un pêcheur
Cette histoire a été choisie par la manufacture Joseph Dufour pour illustrer un papier peint, présenté en 1819 à l’Exposition des produits de l’industrie française à Paris. Cet œuvre marqua les esprits, plus par sa facture, que par son thème qui n’est alors pas innovant. Son originalité vient de sa composition en douze panneaux, constituant un cycle où chaque scène peut être associée ou dissociée. Son succès entraina ensuite plusieurs rééditions de ce papier peint, à la fin du XIXe et au début du XXe par la manufacture Desfossé et Karth. Les neuf panneaux (trois sont manquants) qui décorent la salle de l’hôtel de Cordon datent de cette période. Cependant, leur disposition ne respecte pas l’ordre chronologique de l’histoire, et ni le commanditaire, ni la date d’acquisition ne sont connus.
Une des salles d’un appartement au premier étage de l’hôtel de Cordon présente un décor de papier peint sur le thème de l’histoire de Psyché, réimpression du début du XXe d’un original réalisé vers 1815.
L’hôtel de Cordon a été bâti à la fin du XVIe, mais doit son nom actuel au marquis dont il devient la propriété à la fin du XVIIIe. Il est connu pour avoir hébergé le roi Henri IV en 1600.
Si aujourd’hui, seul des érudits pourront reconnaitre l’histoire de Psyché à la vue du papier-peint, ce n’était pas le cas à l’époque où ce décor n’était pratiquement vu que par des personnes ayant connaissance de ces œuvres. Cependant, repérer ce genre de détails n’est également possible qu’en ouvrant l’œil, comme dans une boutique du centre historique de Montpellier, située dans le salon d’un hôtel construit au XVIIIe, dont le décor en stucs représente des fables de Jean de La Fontaine dans des médaillons, comme le Corbeau et le Renard, que beaucoup de français peuvent sûrement reconnaitre sans problème.
MONTPELLIER: Décor en stuc dans une boutique du centre historique représentant une fable de La Fontaine (Le corbeau et le renard) dans un médaillon.