Fontevraud L’Abbaye Royale
49590 Fontevraud-l’Abbaye
L’histoire de l’abbaye est liée à Robert d’Arbrissel. D’origine bretonne et après des études à Paris, il se dévoue au service de l’évêque de Rennes afin qu’il puisse reprendre le contrôle de son diocèse, en pleine réforme grégorienne. Son poste ne le rendit pas populaire et la mort de son supérieur l’obligea à s’exiler. S’en suivi une période d’errance, durant laquelle, Robert fut rejoint par de nombreux disciples. Lors du concile de Poitiers, les autorités ecclésiastiques lui demandèrent de se fixer avec sa troupe. Ce qu’il fit en fondant l’abbaye de Fontevraud en 1101. Son ordre étant double, les installations permettaient la séparation des hommes et des femmes. La seule construction en dur était un oratoire dédié à la Vierge, rapidement agrandi pour laisser place à l’église abbatiale actuelle. L’ordre de Fontevraud va attirer de plus en plus d’adeptes, et va connaitre un fort développement suite à la transformation de l’abbaye en nécropole dynastique par les Plantagenêt.
D’abord comte d’Anjou (province dans laquelle se trouve le site de l’abbaye) et suite à plusieurs mariages, la dynastie des Plantagenêt va finir par régner également sur le comté du Maine, de Touraine, le duché de Normandie, de Bretagne, le royaume d’Angleterre, le comté de Poitou et le duché d’Aquitaine. Ces deux derniers sont apportés par Aliénor d’Aquitaine par son mariage avec Henri II Plantagenêt en 1152. Celui-ci devient roi d’Angleterre deux années plus tard et fut généreux en dons à l’abbaye, alors qu’une de ses tantes en fut l’abbesse de 1149 à 1155. La nef de l’église abbatiale, à file de coupoles, fut achevé sous son règne, vers 1160. La générosité d’Henri II lui valu le qualificatif de « père de l’église de Fontevraud », mais son enterrement à Fontevraud fut réalisé contre son souhait de l’être dans l’abbaye de Grandmont. En effet, au cours du conflit l’opposant à ses fils et au roi de France, il mourra à Chinon au cours de l’été 1189. La chaleur ne permettant pas le transport de sa dépouille jusqu’au Limousin, il fut donc inhumé par commodité dans l’abbaye Fontevraud.
A la mort d’Henri II, son fils Richard Cœur de Lion lui succéda. Le règne de ce roi, surtout connu grâce à la légende de Robin des Bois, fut marqué par sa participation à la troisième croisade, son enlèvement sur le chemin du retour, puis ses guerres incessantes contre le roi français Philippe Auguste. Il mourra lors du siège du château de Châlus en 1199 et fut enterré à l’abbaye de Fontevraud, probablement selon la volonté de sa mère Aliénor d’Aquitaine. Cette dernière s’était en effet retiré dans l’abbaye dès 1194, d’où elle dirigeait néanmoins les affaires de la famille. Le destinée de cette reine, duchesse d’Aquitaine, d’abord mariée au roi de France Louis VII, puis reine d’Angleterre, est exceptionnelle. Fuyant un mariage malheureux, le second fini par l’être également. Elle aida alors ses fils à se révolter contre leur père, et fut emprisonnée une quinzaine d’années, jusqu’au décès de son mari. Elle régna ensuite avec son fils Richard Cœur de Lion, et s’employa à rassembler la rançon afin de libérer lorsqu’il fut enlevé à son retour de croisade. Proche de son fils, elle dut sortir de sa retraite à l’abbaye de Fontevraud à sa mort, pour aider son frère Jean sans Terre à lui succéder sur le trône. Elle mourra quelques semaines après la perte de la Normandie par ce dernier en 1204.
Le dernier gisant visible aujourd’hui est celui d’Isabelle d’Angoulême, troisième épouse de Jean sans Terre, qui se retira tout comme Aliénor d’Aquitaine à l’abbaye de Fontevraud, trois ans avant sa mort en 1246. D’abord inhumée dans la salle capitulaire, son fils Henri III ordonna huit années plus tard de la transporter dans la « nécropole royale ». (Le cœur du roi Henri III sera également déposé à l’abbaye à la fin du XIIIe siècle.) La position des tombes des rois fut longtemps une inconnu, car les statues funéraires des Plantagenêt ont été déplacées dans un mausolée en 1639, avant d’être laissées à l’abandon lors de la période Révolutionnaire. Cette époque n’a pas épargné les deux priants du XVIIe siècle de Jeanne d’Angleterre (fille d’Aliénor d’Aquitaine, morte à Fontevraud en 1199), et du comte de Toulouse Raymond VII (son fils, mort en 1249). La découverte de la tombe de ce dernier au pied d’une peinture murale le représentant, a permis de situer l’emplacement d’origine des tombeaux dans la travée orientale de la nef (donc à l’intérieur du chœur des religieuses de l’époque), où les gisants sont aujourd’hui placés.
Ces quatre gisants, sont ceux des rois d’Angleterre Henri II et Richard Cœur de Lion, d’Aliénor d’Aquitaine (qui est respectivement la femme et le mère des deux souverains), et d’Isabelle d’Angoulême (belle-fille d’Aliénor). Les trois premiers sont sculptés en pierre calcaire, alors que le dernier, plus petit, est en bois. Ceux des deux souverains, morts en premier, ont été sculptés par le même artiste. La différence avec le gisant d’Aliénor peut se voir dans les plis des vêtements qui sont beaucoup plus rigides en comparaison avec le drapé souple de la robe de la souveraine. La restauration des gisants en 1846 a été fortement critiquée, notamment pour l’ajout des parties manquantes (nez, mains, symboles de la royautés), et pour leur mise en couleur, alors courante en France lors de la restauration d’architecture médiévale.
Le comté d’Anjou entre dans le domaine royal français dès 1204. La défaite de Jean sans Terre dix ans plus tard, suivi par le traité de Paris de 1259 (où son fils Henri III renonce à ses prétentions sur la Normandie, l’Anjou, la Touraine et le Poitou) mirent fin à la présence des Plantagenêt dans l’Ouest de la France. Le souvenir de ces rois d’Angleterre réapparu peu après la Révolution, lors de la redécouverte de ces gisants, qui ont failli traverser la Manche par deux fois: la première en 1816, lorsque les angevins s’opposèrent à une demande anglaise accordée par le gouvernement français de les transporter dans l’abbaye de Westminster, et une seconde en 1866, après que Napoléon III les aient offert à la Reine d’Angleterre, qui déclina l’offre devant l’indignation des français. Les gisants furent alors placés au niveau de l’emplacement primitif des tombeaux, retrouvant ainsi l’endroit le plus apte à les recevoir. Ils sont une des plus belles preuves que les frontières européennes ont constamment évolué, même quand il s’agit de celles d’une île.
L’abbaye de Fontevraud est un site spectaculaire, voici d’autres photos pour vous en rendre compte:
Tout près de l’abbaye, se trouve Chinon où mourra Henri II Plantagenêt. Connaissez-vous la chapelle semi-troglodytique, et sa fresque du XIIe siècle représentant probablement Henri II et Aliénor dans une scène de chasse?
Dans la région, je vous invite à découvrir la porte Saint-Jean à Montreuil-Bellay, le salon oriental du château de Villandry, mais aussi l’étrange pile gallo-romaine de Cinq-Mars.