Quiconque entrera dans l’église d’Entrammes, trouvera un espace de culte beaucoup moins volumineux que ne laisse paraitre l’édifice de l’extérieur. La nef a en effet été séparée du reste, pour présenter les vestiges des thermes gallo-romains, découverts en 1987. Leur état de conservation est dû à leur transformation en église dès la fin de l’Antiquité.
L’église primitive d’Entrammes a été construite dans les thermes antiques, dont les vestiges ont été découverts en 1987. (Sur la photo, depuis le mur de séparation avec le transept (à gauche): le frigidarium, le tepidarium et le sudatorium avec son hypocauste.)
En plus des vestiges au sol, un pan de mur haut jusqu’à 8,50 mètres a en effet été conservé dans les parois Sud et Ouest de la nef. Il est facilement reconnaissable à son appareil alternant des petits moellons de pierres avec des arases de briques (appelé opus vittatum mixtum), qui est typique de l’architecture gallo-romaine. Probablement construits au milieu du IIe siècle, les thermes avaient la forme d’un quadrilatère de 28,5 mètres de long, pour 10 de large. Les salles étaient disposées en enfilade, suivant le parcours type dans les bains romains (Vestiaire-(Palestre)-Salle tiède-Salles chaudes-Salle froide), et orientées suivant la course du soleil. On retrouve ainsi à l’est, disparaissant sous le transept: le frigidarium (ou salle froide), puis le tepidarium (salle tiède), le sudatorium (étude humide) et enfin le caldarium avec son bain chaud contre le mur ouest. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le but des thermes romains n’y était pas la baignade, mais d’y exposer son corps progressivement d’une atmosphère froide à chaude, puis inversement. L’architecture de ces édifices étaient donc penser suivant la course du soleil. Ainsi, les grandes baies percées dans le mur sud permettaient d’apporter de la lumière mais également de la chaleur aux salles. L’ensemble était décoré de stucs peints et d’éléments architecturaux en marbres, dont des fragments ont été retrouvés.
Plus de 7,5 mètres d’élévation de maçonnerie antique ont été conservés dans le mur Sud dans la nef. (Sur la photo et depuis le mur Ouest des thermes: le caldarium et le sudatorium.)
Ces thermes sont les seuls vestiges visibles d’Interamnes, petite agglomération gallo-romaine qui s’est développée au niveau d’un gué sur la Mayenne, sur le chemin entre Condate (Rennes) et Vindunum (Le Mans). La cité a commencé à péricliter dès le milieu du IIIe siècle suite aux premières invasions barbares et à des épidémies de peste, pour ne devenir qu’un hameau. L’église d’Entrammes aurait été fondée dès la fin du IVe siècle par saint Julien (selon les Actes des évêques du Mans), période où le christianisme s’étend dans l’ouest de la Gaule. D’après les techniques utilisées, les thermes ont été transformés en édifice de culte dès la fin de l’Antiquité ou au début du Moyen-Age, soit entre le Ve et le VIIe siècle.
Ceux-ci, une des seules constructions en maçonnerie du site (la majorité des bâtiments étant en ossature bois et en terre), n’étaient alors sûrement plus utilisés. L’adaptation des thermes au culte a demandé la suppression des cloisons intérieures, le bouchage de certaines baies, et le recouvrement des bassins et des hypocaustes effondrés par un sol en mortier à tuileau. L’église primitive occupait l’ensemble de l’édifice auquel fut sûrement ajouté une abside côté est. Des vestiges de celle-ci ont été conservés au niveau du mur moderne de séparation avec le transept: la base d’un ambon (petite tribune à l’entrée du chœur pour les lectures saintes), et un escalier menant au presbyterium (espace surélevé réservé au clergé).
Des vestiges de la construction de l’église sont également présents comme ces anciens moules à cloche. Derrière se trouve les restes du mur nord des thermes, et le caldarium dont la suspensura (sol au dessus de l’hypocauste) s’est effondré. Le côté Ouest de cette pièce chaude (en haut de la photo), était occupée par un bassin.
Cette église a ensuite subi deux grandes campagnes de travaux: la première au XVIe siècle, où la nef est élargie et le mur antique nord arasé, puis la seconde en 1859, où le transept et le chœur sont agrandis. Au cours de cette dernière, l’ancien curé note qu’ « (…) il est resté évident que le chevet et les chapelles avaient été accolés à une ancienne construction (…). » mais l’origine antique de l’église reste oubliée jusqu’en 1987. Le piquetage des murs lors d’un chantier de restauration a alors permis la découverte de la maçonnerie décrite précédemment, et engendra le dégagement de l’ensemble de la paroi qui confirma une construction gallo-romaine, puis des fouilles archéologiques qui révélèrent les hypocaustes et donc l’origine de la construction.
Après la découverte, la nef a été aménagée afin de présenter les restes antiques au public.
Le culte a été maintenu dans le transept et le chevet, qui ont été séparés de la nef par une paroi.
L’entrée dans le lieu de culte se fait par la base du clocher.
Cette découverte fut exceptionnelle car elle a permis de confirmer l’hypothèse d’une agglomération antique sur le site d’Entrammes, mais également d’illustrer la transformation de certains édifices antiques en édifice de culte et notamment les thermes, au même titre que la basilique Sainte-Marie-des-Anges-et-des-Martyrs aménagée dans les restes des thermes de Dioclétien à Rome par Michel-Ange, ou encore l’église paroissiale de Jublains dont l’édifice primitif a été installé dans les anciens thermes. Cette dernière église, reconstruite au XIXe siècle, a d’ailleurs été tronquée de son chœur et de son transept, afin de présenter au public les vestiges des thermes.
Autres exemples d’églises aménagées dans des thermes antiques:
Les vestiges des thermes ont été dégagés sous une partie de la nef et du transept de l’église de Jublains. Le site est celui de l’antique Noviodunum, chef-lieu de la cité des Diablintes, dont le territoire englobait Interamnes (Nom antique d’Entrammes).
Rome: L’aménagement de la basilique Sainte-Marie-des-Anges-et-des-Martyrs dans les restes des thermes de Dioclétien au XVIe siècle, a permis de conserver la salle basilicale (salle froide) dans son volume antique.
Si le thème des thermes gallo-romains vous intéresse, vous pouvez lire l’article sur le sanctuaire des Fontaines Salées, où des puits vieux de 4200 ans ont été découverts.