Chinon, petite ville de Touraine, s’est développée entre la Vienne et un coteau dont la pointe est occupée par un château, surtout connu pour avoir été le lieu où Jeanne d’Arc a reconnu le futur Charles VII au milieu de sa cour. Le site de la forteresse a été continuellement occupé dès l’âge de fer avec la présence d’un oppidum et a connu de grands travaux au XIIème siècle quand le futur roi anglais Henri II Plantagenêt fit reconstruire et agrandir la forteresse pour en faire un de ses lieux de résidence, engendrant par la même occasion le développement de la ville en contrebas. La cité est devenue française après un long siège en 1205 et ne connaitra paradoxalement son autre période faste que deux siècle plus tard, pendant la guerre de cents ans, quand le futur roi Charles VII et sa cour y feront de longs séjours. Au XVIème siècle, le château perdit son titre de résidence royale et la ville est tombée dans l’oubli, pour ne connaitre son autre période d’extension que sous la révolution industrielle avec la démolition des fortifications, l’aménagement des quais et l’arrivée du chemin de fer. Si l’occupation du sommet du coteau est bien visible, celui-ci est creusé par de nombreuses galeries ayant servi pour extraire la pierre puis utilisées comme lieu de stockage notamment du vin, dont les caves Painctes ont été rendues célèbres par Rabelais. En sortant de la ville et en longeant les restes de nombreuses constructions troglodytiques dans les flancs du coteau côté Vienne, on tombe sur ceux de la chapelle Sainte-Radegonde datant en grande partie de la période anglaise.
La nef troglodytique (avec l’abside au fond)
La chapelle a été aménagée au niveau d’une galerie donnant accès à un puits creusé dans la roche entre le IIème et le IIIème siècle. Un culte païen s’est surement développé durant l’antiquité et le lieu ne sera christianisé que par la présence de l’ermite Jean qui y aurait reçu au VIème siècle, la visite de Radegonde, reine des Francs. Construit au XIIème siècle, l’édifice est composé d’un déambulatoire troglodytique permettant d’accéder au puits antique et de deux nefs avec une abside, l’une creusée dans la roche et l’autre construite en tuffeau dont le mur latéral sert de façade principale au lieu de culte.
La façade de la chapelle du XIIème siècle
L’accès à la chapelle se fait par un portail roman encadré de contreforts, pour entrer directement dans la première nef dont le toit a disparu à la Révolution et transformée en jardin. Elle est séparée de la nef troglodytique par deux piliers et une grille datant de la restauration des lieux au XIXème siècle. L’espace de la seconde nef est divisé en deux par deux colonnes plus ou moins dans l’axe de l’abside où est situé l’autel. L’abside est décorée par une fresque réalisée au XIXème siècle du « Christ en gloire » encadré par le tétramorphe (emblème des quatre évangélistes). Le côté opposé au chœur est occupé par une niche dans laquelle a été placé le gisant de saint Jean. La partie nord de la nef est occupée par deux chapelles de plan pseudo-rectangulaire. On accède au déambulatoire et au puits par une ouverture dans la première, dédicacée à sainte Radegonde.
Cette chapelle est décorée par un cycle de fresques datant du XVIIème siècle (fortement restaurées au XIXème) sur l’histoire de sainte Radegonde et de saint Jean. La seconde chapelle, dédiée à saint Mexme (mort à Chinon après y avoir fondé un monastère), a conservé des fragments de peintures du XIIème siècle. C’est proche de celle-ci, sur le mur de la nef qu’a été découvert en 1964 sous une couche d’enduit la fresque de la chasse royale. Datant de la seconde moitié du XIIème siècle, elle représente des membres de la dynastie des Plantagenêt. En effet, les vêtements des cavaliers et leurs couleurs sont typiques de la cour d’Angleterre à cette période. Les deux personnages couronnés pourraient être le roi Henri II d’Angleterre et Aliénor d’Aquitaine (dont le mariage est l’une des origines de la guerre de Cent ans) ou Henri le Jeune, qui a gouverné conjointement avec son père à partir de 1170. Le thème de la scène représenté nous est donné par le cavalier tenant un faucon sur son point ganté. Enfin, le puits antique, à l’origine du lieu et situé une quinzaine de mètres plus bas, au niveau de la nappe phréatique, est accessible par trois volées de marches creusées entre le IIème et le IIIème siècle.
Fresque de la chasse royale dans la nef troglodytique
La nef construite a perdu son toit
Déambulatoire troglodytique permettant d’accéder au puits
Le puits antique à l’origine du site
C’est la qualité exceptionnelle de la fresque de la chasse royale et son sujet rare qui aurait précipité le classement du site, lui offrant une protection bien méritée. La chapelle a connu plusieurs périodes troubles, suivies par des campagnes de restauration plus ou moins heureuses. La première au XVIIème siècle suite aux guerres de religion puis au XIXème siècle après la période révolutionnaire et sa transformation en habitations. L’histoire nous a offert un lieu intéressant en plusieurs points: de par son aspect semi-troglodytique mais également par l’aspect visible d’un lieu de culte païen réutilisé et christianisé, et surtout par la peinture médiévale qui pourrait représenter une scène de vie de la dynastie royale anglaise sur le sol français.