Corderie Royale
Rue Jean-Baptiste Audebert, 17300 Rochefort
La forme des bâtiments industriels est avant tout fonctionnelle, et traduit souvent leur usage initial. Cela se vérifie parfaitement dans celle de la corderie royale de Rochefort, construite au XVIIe siècle, et dont la longueur dépasse largement la hauteur de la tour Eiffel (374m contre 324m).
La corderie royale a été construite au bord de la Charente, en même temps que le nouvel arsenal militaire, à une vingtaine de kilomètre des côtes, ce qui protégeait le site d’une attaque par les mers.
Après la guerre franco-espagnole, Louis XIV, en accord avec Colbert, favorise le développement de sa marine de guerre. Ils doivent pour cela créer un nouveau chantier naval, en plus de la modernisation des deux existants à Brest et Toulon. Les meilleurs emplacements étant utilisés par des ports de commerce, le choix s’arrête sur le site de Rochefort, alors occupé par une châtellenie (se composant alors d’un château ruiné et d’un manoir), que le roi rachète en 1665-1666. Les lieux offraient l’avantage d’être proche d’une rade naturellement protégée (par les îles de Ré, d’Aix et d’Oléron), d’être facilement défendable d’une attaque par la mer par sa position en retrait de la côte, mais surtout d’être aisément ravitaillés en matières premières depuis l’arrière pays par la Charente, et grâce à sa proximité avec la Gironde.
La longueur du bâtiment permettait d’y réaliser des cordages d’un seul tenant.
Le site étant marécageux, le bâtiment a été construit sur un radier en chêne.
La construction de la corderie commence en mars 1666, soit avant même la décision du roi d’établir le chantier naval sur le site de Rochefort. Le terrain choisi, bordé par la Charente, étant marécageux, et la couche de vase épaisse, le sol dur n’a pas pu être trouvé pour fonder le bâtiment. Ce dernier repose donc sur un radier de chêne, composé de pièces de bois entrecroisées, couvertes d’un plancher de madriers, formant ainsi comme un radeau. Pour éviter que celui-ci ne bascule pendant le chantier, les murs en vis-à-vis ont été montés au même rythme, pour répartir équitablement les charges. Planifié par l’ingénieur du roi François Blondel, l’édifice se compose de deux corps de bâtiment parallèles, dont le plus long, à l’Ouest, est délimité par un pavillon à chacune de ses extrémités. Ces deux derniers étaient alors dédiés aux activités annexes à l’atelier de fabrication du cordage dans la grande galerie, alors que l’étuve et la goudronnerie (nécessaire à la conservation des cordages en mer) se trouvaient dans le volume central, côté Fleuve (à l’Est). Enfin, les combles servaient au stockage du chanvre.
Un pavillon occupe chaque extrémité du long bâtiment, dont l’axe est marqué par une baie ornée d’un fronton triangulaire.
Un bâtiment moins long est construit parallèlement du côté du fleuve, et accueillait l’étuve et la goudronnerie).
La façade du petit bâtiment est interrompu en son centre par la seule élévation à deux niveaux (Le fronton est décoré du monogramme de Louis XIV).
Construit en pierre calcaire, l’ensemble est couvert d’une toiture à la Mansart, composée de tuiles canal et d’ardoises. Il est clairement orienté vers le fleuve, avec une architecture beaucoup plus ornée vers celui-ci (façade rythmée, lucarnes couronnées d’un fronton), et une façade sobre côté ville. Cette dernière est aujourd’hui rythmée par des contreforts, qui ont été rajoutés quelques années après sa construction car celle-ci déversait vers l’extérieur.
Les contreforts de la façade arrière ont été rajoutés pour reprendre le déversement du mur côté ville.
Les contreforts n’ont malheureusement pas été la seule modification du projet initial de François Blondel, car l’architecture du bâtiment a fortement été modifiée au XIXe siècle. La généralisation du filin métallique, entraina une reconversion du bâtiment en atelier métallique dans les années 1860, et le début de sa dégradation. Quelques années plus tard, celui-ci est percé, afin de faire passer une voie de chemin de fer, puis incendié en 1944 par les allemands, avant d’être abandonné. La conscience de ce patrimoine sera prise dans les années 60, avec le dégagement des ruines, puis leur classement au titre des monuments historiques. Après une longue campagne de restauration, la corderie héberge aujourd’hui de nombreuses institutions municipales et nationales, et représente surtout un des rares exemples de l’architecture industrielle antérieure à la Révolution.
Sa fonction ne fait aucun doute à la vue de l’édifice. Au temps de sa construction, le cordage le plus long d’un navire mesurait une encablure (soit environ 182m), est celui-ci devait être réalisé d’un seul tenant afin d’être le plus solide possible. En sachant que le commétage (technique de fabrication d’un cordage consistant à enrouler plusieurs brins ensemble), réduit sa longueur d’un tiers, l’atelier de fabrication devait donc faire au minimum 270m de long, d’où ses grandes dimensions (374m).
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