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Curie de Pompée (Curia di Pompeo)
Largo di Torre Argentina
Corso Vittorio Emanuele II, 102, 00186 Roma, Italie
Une discussion récente m’a donné l’idée de cet article sur une erreur généralement commise sur un bâtiment. Cela ne concerne pas l’édifice en lui même, mais la localisation d’un événement historique qui s’y est déroulé. L’assassinat de Jules César a eu lieu dans la curie de Pompée que certaines personnes confondent avec la curie encore debout sur le forum romain. Des restes de cet édifice sont pourtant encore visibles en partie dans un des lieux les plus touristiques de la capitale italienne.
Les vestiges de la curie de Pompée sont visibles sur le côté ouest de la zone archéologique du Largo di Torre Argentina, aujourd’hui plus connue pour héberger le centre des chats sauvages de la capitale, qui sont probablement autant photographiés que les ruines antiques. Cette zone a été dégagée lors de travaux de démolition pour la construction de nouveaux édifices entre 1926 et 1929. La découverte inattendue de cette zone sacrée composée de quatre temples datant de l’époque républicaine justifia sa conservation et sa mise en valeur. Le plus ancien est le temple C. Périptère (sans colonnade sur le coté postérieur), avec les murs de la cella en brique et sur un podium en tuffeau, il est daté du début du IIIe siècle av J-C. Le temple A a été construit un demi-siècle après et était périptère. Son aspect actuel est du à sa transformation en église (appelée San Nicola dei Cesarini) dont les absides sont encore visibles. Ensuite vient le temple D, le plus grand des quatre, qui est aujourd’hui en grande partie sous la via Florida. Il est le seul à avoir pu être identifié de manière sûre comme étant dédié aux Larii Permarini, son état le plus ancien est daté du IIe siècle av J-C. Enfin, la construction du temple B, de forme circulaire et d’ordre corinthien, remonte au Ier siècle av J-C.
Tous ces temples ont ensuite été restaurés. Certains de leurs vestiges sont donc plus récents, comme les colonnes du temple A qui datent de la restauration de la zone suite à l’incendie du champ de Mars en 80. La fermeture de la colonnade du temple B, par un mur en brique crépi avec des pilastres en stucs en correspondances aux colonnes, est postérieure à cet incendie. Une autre transformation visible de la zone est l’élévation du niveau du sol par la construction d’un pavement en dalles de travertin à la fin du Ier siècle, un peu plus de deux siècles après celui en dalles de tuffeau encore visible.
Les vestiges qui nous intéresse sont situés derrière le temples B et C. La localisation de la curie de Pompée à cet endroit a été déduite en sachant que ce bâtiment était une exèdre sur le côté Est du portique du même nom, en face du théâtre de Pompée tout proche. Avant d’aborder, le thème de cet article, parlons un peu de ce théâtre dont le tissu urbain en a conservé la forme (Le tracé de sa courbe interne se retrouve dans les édifices sur la via di Grotta Pinta). Par les lettres de Cicéron qui décrit les jeux lors de l’inauguration de l’édifice, nous pouvons déduire que celle-ci a probablement eu lieu le 29 septembre 55 av J-C. Premier théâtre édifié en dur à Rome alors que c’était interdit pour en préserver le caractère sacrée, Pompée a réussi à contourner cette loi en construisant un temple (dédié à Vénus Victrix) au sommet de sa cavea, faisant ainsi des gradins les escaliers d’accès à celui-ci. Derrière le mur de scène du théâtre, se trouvait un portique de 180x135m, dont l’aspect est connu par des fragments de la Forma urbis, et dont les proportions se retrouvent dans le tracé des rues actuelles. Orné de statues en lien avec le monde de Vénus ou du théâtre, il entourait un jardin composé de deux bosquets de platanes bordés probablement de petites fontaines.
C’est au centre du côté Est de ce portique, que se trouvait une grande exèdre rectangulaire avec une statue de Pompée, dont les restes du podium en bloc de tuffeau sont encore visibles dans la zone archéologique du Largo Argentina. Appelée « Curie de Pompée », le sénat romain s’y réunissait suite à la destruction de la curie Hostilia par un incendie en 52 av J-C. L’ambiance devait y être plus que pesante le 15 mars 44 av J-C, lors de la réunion qui se tenait le jour des Ide de Mars. Ayant obtenu le titre de dictateur à vie, Jules César s’y est rendu malgré les supplices de ses proches qui craignent pour sa vie, notamment sa femme Calpurnia qui a rêvé de sa mort. Ces derniers n’avaient pas tort car au moins 60 sénateurs étaient alors mêlé à un complot dans le but de l’éliminer de peur que celui ne brigue le titre de roi, signant la fin de la République. A peine installé dans la curie, Jules César est provoqué par le sénateur Tullius Cimbre, qui, accompagné d’autres sénateurs, lui présente une requête. Seul prétexte pour simuler une colère et lui arracher sa toge, signal du début de l’acharnement qui vit le dictateur encerclé par les sénateurs et transperçé par 23 coups de poignard. Il finit par tomber recouvert de sa toge sous la statue de son ancien rival Pompée. (Pour ceux qui ont besoin d’images, je vous recommande de regarder le dernier épisode de la première saison de la série Rome.) La mort de Jules César, qui changea définitivement le paysage politique romain, plongea Rome dans une longue crise qui déboucha sur l’instauration de l’empire.
L’assassinat de Jules César s’étant déroulé dans le lieu de réunion du sénat, certains le situe dans la curie Julia aujourd’hui toujours debout sur le forum romain. Pourtant celle-ci était en construction lors de cet épisode. Construite à l’initiative du dictateur pour remplacer la précédente (détruite en -52, comme vue précédemment), elle ne sera achevée qu’en -29 par son fils adoptif Octave. Quatre années avant, ce dernier avait fait fermé la curie de Pompée et déplacé sa statue dans le mur de scène du théâtre voisin. Selon l’historien Dion Cassius, les lieux auraient été transformés en latrines. Comme un rappel, les restes les plus identifiables du portique de Pompée dans la zone archéologique du Largo Argentina, sont des latrines qui bordaient la partie au nord de la curie. Les restes de ces toilettes publiques, identifiables par tous les amateurs de l’antiquité romaine, sont d’ailleurs les vestiges les plus identifiables du portique de Pompée où s’est déroulé l’un des assassinats les plus connus représentés.